La Russie, une puissance coercitive à l’économie fragile
« La fin de l’URSS est la plus grande catastrophe du XXème siècle » disait Vladimir Poutine dans un discours en 2005. Le constat est indéniable si on regarde l’Histoire à travers le prisme russe. Pour le pays le plus vaste du monde, la fin du monde bipolaire est synonyme de pertes territoriales (-5 millions de km²) et démographiques (-100 millions d’habitants) aussi colossales que brutales.
Après une décennie 1990 désastreuse, la renaissance que connait aujourd’hui la Russie est entièrement incarnée par la personne de Vladimir Poutine, ex-agent du KGB qui dirige le pays sans partage depuis son élection en 2000. Ainsi entre 2000 et 2008, la croissance annuelle russe dépasse systématiquement 7%. C’est aujourd’hui la 8ème puissance mondiale en termes de PIB. Le regain économique russe permet à Moscou de renouer avec certains appétits géopolitiques en usant de son hard power (1) (Ossétie du Sud en 2008, Crimée en 2014, « course à l’Arctique » notamment). Le contrôle russe de l’étranger proche passe également par une influence économique, cristallisée autour de l’Union eurasiatique. Présenté par Poutine comme une alternative au partenariat oriental européen, le projet qui comprend notamment une union douanière a d’ores-et-déjà séduit l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan et le Kirghizstan.
Pourtant, la réussite économique russe est à nuancer. Le pays reste largement tributaire de ses exportations de matières premières. La Russie est en effet le deuxième exportateur mondial de gaz et de pétrole. Cette manne considérable est gérée par deux entreprises étatiques, Gazprom et Rosneft, dont les bénéfices assurent à eux seuls la moitié du budget de l’Etat. Malgré son entrée à l’OMC en 2011, la Russie peine à diversifier son activité économique. Les IDE (investissements directs à l’étranger) stagnent, les investisseurs se montrant réticents à l’idée de miser sur un pays où la corruption demeure un mal endémique et où les infrastructures sont peu nombreuses et souvent vétustes. Ainsi, on estime que les pots-de-vin touchés chaque année par les fonctionnaires russes équivalent à un montant compris entre un quart et la moitié du PIB national.
L’économie russe subit donc de plein fouet la baisse durable du prix de l’énergie, faisant ressurgir le spectre du syndrome hollandais (2) dont Vladimir Poutine cherche à se débarrasser en vain. Ces difficultés conjoncturelles sont par ailleurs largement aggravées par les sanctions européennes et américaines. Dans ce contexte, l’année 2016 s’annonce difficile pour Moscou, alors que le PIB russe accuse une baisse de 3,7% sur l’année 2015 et que le rouble dévisse au point d’atteindre, en janvier dernier, le plus bas niveau de son histoire face au dollar.
(1) Le hard power désigne la capacité d’influencer le comportement d’un autre acteur à l’aide de moyens militaires et économiques. Il regroupe ainsi : la puissance économique, militaire, et politique.
(2) Le syndrome hollandais désigne le phénomène d’appréciation de la monnaie des pays qui exportent essentiellement des matières premières. Cette appréciation rend difficile l’exportation d’autres denrées (comme les produits manufacturés) ce qui met en péril les autres secteurs de l’économie.